L’Ordonnance 2020-303 du 25 Mars 2020 portant adaptation des règles de la procédure pénale vient d’être publiée au Journal Officiel ce jour.
Celle-ci bouleverse totalement, compte tenu des circonstances exceptionnelles, notre procédure pénale.
Elle trouvera vocation à s’appliquer en principe pour un délai d’un mois après l’expiration de l’état d’urgence sanitaire soit, en application de l’article 4 de la loi du 23 Mars 2020, à minima jusqu’au 23 Juin 2020.
Les principales mesures à en retenir sont :
Concernant les poursuites et la garde à vue.
– la prescription de l’action publique et des peines est suspendue à compter du 12 Mars 2020
– l’entretien avec l’avocat et la personne gardée à vue ou en rétention douanière, ainsi que l’assistance durant l’audition, peut se dérouler par voie téléphonique, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges
– les prolongations de garde à vue des mineurs de 16 à 18 ans et pour infractions de 706-73 (crime organisé, crimes aggravés, etc…) peuvent intervenir sans présentation au magistrat.
Concernant les voies de recours.
– les délais des voies de recours sont doublés
– tous les recours et les demandes peuvent être réalisés par LRAR ; pour l’appel et le pourvoi, ils peuvent également être régularisés par courriel à l’adresse électronique de la juridiction
Concernant la procédure d’instruction.
– en dérogation avec l’article 81 du Code de Procédure Pénale, les demandes visées à cet article peuvent être réalisées par LRAR ou courriel à la Juridiction. Cependant, cela risque d’être exclu pour les demandes de mise en liberté (146-8 CPP).
– en cas d’empêchement d’un Juge d’Instruction, le Président du Tribunal peut désigner un ou plusieurs magistrats du siège pour assurer ses fonctions
Concernant l’audience pénale.
– le recours à la visio conférence est instauré pour toutes les audiences pénales (sauf crime) sans accord préalable des parties
– si la visio conférence ne fonctionne pas, le Juge peut désormais décider d’utiliser tout autre moyen de communication y compris par voie téléphonique (toutefois, il doit alors s’assurer « de l’identité des personnes, de la qualité des transmissions, et de la confidentialité des échanges »)
– lorsqu’une juridiction est empêchée, une autre juridiction de même nature et du même ressort que la Cour pourra être désignée pour connaître de tout ou partie de l’activité relevant de la compétence de la juridiction empêchée (durée 1 mois max après date de cessation état d’urgence sanitaire, sur désignation des chefs de Cour)
– concernant les comparutions immédiates : le délai de comparution de 3 jours est porté à 6 jours ; en cas de demande de renvoi, le « petit délai » est porté de 6 semaines à 10 semaines, le « grand délai » de 10 semaines à 6 mois ;
– Les audiences (au sens large : y compris JLD, chambre instruction,..) peuvent être, sur décision du Président de la Juridiction, à publicité restreinte ou à huis clos ; idem pour les délibérés mais les décisions doivent alors être affichées dans la Juridiction sans délai
Concernant la détention provisoire.
– sur la durée de la détention provisoire : en matière correctionnelle, les délais maximums de détention provisoire sont augmentés de deux mois lorsque la peine est < 5 ans, et de trois mois dans les autres cas ; le délai est porté à 6 mois en matière criminelle
– en cas de détention provisoire, de manière générale, la personne devait comparaître dans le délai de 2 mois ; ce délai est augmenté à 4 mois ; sauf exceptions (cf article 17 de l’Ordonnance)
– tous les délais impartis à la Chambre de l’Instruction pour statuer sur les décisions du JLD (refus d’une DML, …) sont augmentés d’un mois.
– concernant le débat devant le JLD : il pourra intervenir sur observations écrites du Procureur et de l’Avocat lorsque le recours à la visio conférence n’est pas possible ; sur demande de l’Avocat, il pourra faire des observations orales devant le JLD le cas échéant par un moyen de télécommunication
– en matière de détention et incarcération : les transferts des personnes peuvent intervenir sur décision de l’administration, pour lutter contre l’épidémie ; l’autorité judiciaire compétente doit être informée
Concernant l’exécution des peines.
– les décisions des JAP et TAP peuvent intervenir sur observations écrites si le recours à la visio conférence n’est pas possible ; sur demande de l’Avocat, des observations orales pourront être faites par visio.
– en cas d’appel d’une décision JAP et TAP, le délai d’audiencement est porté de 2 à 4 mois ;
– les réductions de peine, autorisations de sortie, permissions de sortie peuvent être ordonnées sans que soit consultée la commission de l’application des peines si le Parquet a émis un avis favorable ; en matière de libération sous contrainte, si le condamné a un hébergement et s’il peut être placé sous le régime de la libération conditionnelle, le Jap peut l’octroyer sans avis du Ministère Public ;
– si la personne détenue dispose d’un hébergement, par dérogation à l’article 720-1 du CPP, le JAP peut suspendre la peine sans débat contradictoire ; si certificat médical du médecin du centre pénitentiaire, elle peut être suspendue pendant la durée de l’hospitalisation, et ce sans l’expertise habituelle (pour motif médical, exigence de l’urgence vitale dans le droit commun avec expertise) ;
– une réduction de peine supplémentaire d’un quantum maximum de 2 mois liée aux circonstances exceptionnelles est accordée par le JAP ; sans consultation de la CAP si Procureur est favorable ; ne concerne pas : crimes, terrorisme, personnes avec comportement de mise en danger du personnel pénitentiaire.
– si la peine restant à subir est < à deux mois et que la condamnation est une peine < 5ans : sur décision du Procureur de la République statuant sur proposition du SPIP, la personne peut effectuer le reliquat de sa peine sous assignation à domicile.
Concernant les mineurs
– cf mesures sur la garde à vue
– – pour les mineurs : si le délai des mesures de placement arrive à échéance, le JE peut, au vu du rapport éducatif, sans audition des parties, proroger ce délai pour 4 mois ; il peut aussi prolonger le délai des autres mesures pour une durée maximale de 7 mois.
En cas d’empêchement total de la Juridiction (situation très exceptionnelle).
– en cas de crise sanitaire de nature à compromettre le fonctionnement de la Juridiction (uniquement si la Juridiction ne pouvait plus fonctionner) : la chambre de l’instruction serait autorisée à statuer en matière correctionnelle par la présence de son seul Président (même en formation collégiale, sauf si le Président estime devoir renvoyé en raison de la complexité de l’affaire) ; idem le Tribunal Pour Enfants pourrait statuer désormais avec son seul Président ; dispositions similaires pour le Tribunal d’Application des Peines et la Chambre de l’Application des Peines ;
Maître Maxime GALLIER se tient à disposition pour la mise en oeuvre de cette Ordonnance.